1. « Le soleil est nouveau à chaque jour »
La phrase d’Héraclite au début du nouvel essai de Claire Marin, intitulé « Les débuts – Par où commencer ? », le définit si bien. Après ses deux grands succès critiques et publics « Ruptures » et « Être à sa place », la philosophe livre à ses lecteurs une belle réflexion sur les commencements, ceux qui, tout au long de notre vie, l’animent et/ ou la réaniment. Car, enfin, ce sont là des occasions de « renaître » qui ne sont pas réservées qu’à l’enfance et l’adolescence. Comme l’auteure en témoignait récemment dans une interview : « L’idée de combiner les débuts et les recommencements dans le titre était une façon de sortir de la représentation générale selon laquelle les débuts n’auraient lieu qu’au début chronologique de notre vie. L’enfance et l’adolescence seraient les périodes de l’euphorie des débuts, et après,
il y aurait une diminution de cette vivacité. Je crois que c’est faux : il y a de vrais débuts tardifs et des recommencements totalement inattendus. »
Un livre qui questionne les débuts heureux et plus douloureux de la vie sans imposer des réponses toutes faites. Un livre qui accompagne le lecteur dans son questionnement, quel que soit le moment de début et/ou de recommencement qu’il a traversé ou traverse. Et qui peut, qui sait, lui permettre de retrouver de l’intensité, de l’ardeur aussi, pour réinventer sa vie et lui (re)donner goût d’existence.
Les débuts – Par où recommencer ?, autrement, 2023.
2. Procès d’un père lâche
Publié chez Grasset en 2021, « Enfant de salaud », le puissant roman de Sorj Chalendon se lit cette année en Livre de poche. Après « Profession du père », le récit romancé de son enfance avec un père mythomane et violent, le journaliste et écrivain raconte là, dans un roman encore plus autobiographique, comment un fils, devenu journaliste, découvre, en ayant accès à son dossier judiciaire, l’histoire vraie de son père mythomane, alors qu’il couvre en parallèle le procès Barbie pour Libération* en 1987. La vie de roman d’un génie du mensonge, perdu dans la guerre, entre résistance et collaboration, qui n’a jamais dit vrai à son fils et qui, jusqu’au bout, comme Barbie, face à ses victimes, restera dans le déni.
L’enfant de salaud, nommé ainsi par son grand-père, – « devenu journaliste pour comprendre, pour chercher la vérité. Pour qu’on arrête de me mentir », confiait l’auteur à France info à la sortie de son livre, – n’a eu de cesse de faire dire la vérité à ce père qui n’a pas su l’aimer. Sans succès. Le bourreau Barbie, lui, certes condamné à la perpétuité, s’est lâchement dérobé à son procès, échappant une fois de plus à ses victimes. Sorj Chalendon réussit là avec brio à questionner et son histoire et celle de la France de Vichy. Ses mots percutent, heurtent, oppressent. A lire sans se dérober.
*Sorj Chalendon s’est vu décerner le Prix Albert Londres pour son travail.
Enfant de salaud, Sorj Chalandon, Le Livre de poche, 2023
Une rubrique réalisée par Carine Hahn.