Le combat captivant d’Amandine RENAUD

11 avril 2023

Installée en République démocratique du Congo, la primatologue Amandine Renaud, 41 ans, consacre sa vie à la sauvegarde et à la conservation des chimpanzés, aujourd’hui menacés de disparition (1). Avec son association P-WAC (2), elle a fondé un centre de réhabilitation en pleine forêt (3), leur milieu naturel, et au cœur des populations locales. Rencontre avec une femme d’action passionnée.

Enfant, imaginiez-vous vivre en Afrique au cœur de la forêt et veiller sur des singes ?

Amandine RENAUD : J’ai toujours été attirée par le monde animal et la forêt. Je me souviens que j’enguirlandais les voisins qui se pendaient aux branches des arbres de crainte que cela leur soit douloureux. J’ai voulu travailler avec les animaux, la nature, et je suis passée par plusieurs phases, mais une chose est sûre, il fallait que mon métier dépote, me passionne et soit en lien avec la préservation de la nature.

Lipipi, orpheline recueillie à l’âge de six mois.

Comment vous est venue l’envie de devenir primatologue ?

A.R. : Selon ma famille, à sept ans, j’ai vu le film « Gorilles dans la brume » sur la vie de Dian Fossey. Mais je n’en ai pas un souvenir précis pour déclarer que cela m’aurait poussée à me dire « c’est ce que je veux faire ». En fait, je n’ai pas réussi à faire d’études scientifiques, alors je me suis d’abord tournée vers la finance. Un domaine qui m’a énormément appris en matière de rigueur et de budget. J’ai travaillé dans une banque pendant sept ans, ce qui m’a permis de financer mes voyages et la suite de mes études. A 22 ans, j’ai mis les pieds au pays des « poilus » comme je les appelle. Je suis partie en mission bénévole en Afrique et là, je suis tombée amoureuse des chimpanzés. Ils m’ont tellement appris, pour ne pas dire tout, sur le monde des primates. J’ai su alors que ma carrière était auprès d’eux ! A ce retour de mission, j’ai repris mes études par correspondance tout en travaillant, jusqu’à intégrer une université anglaise pour devenir primatologue (NDRL : le diplôme n’existe pas en France).

Vous menez aujourd’hui une thèse en anthropologie de la nature… Qu’est-ce que qui vous passionne dans la primatologie et dans ce nouveau domaine ?

A.R. : Avant la primatologie, j’ai étudié la psychologie. Ces deux domaines sont complémentaires car, ne l’oublions pas, nous sommes des primates ! J’ai ensuite choisi de passer en anthropologie de la nature afin d’étudier les relations hommes-faune sauvage. Ce qui s’avère nécessaire quand on veut mettre en place des stratégies de préservation d’espèces menacées par l’homme. Ces trois disciplines sont interconnectées : on étudie l’homme, le singe et leurs interactions pour mieux vivre en harmonie. La boucle est bouclée ! Malgré ce cursus universitaire, j’ai décidé de laisser la recherche de côté, et de me focaliser sur ce qui me tient vraiment à cœur : la protection in situ (4) des primates, de leur habitat et des actions concrètes de préservation et de sauvegarde des chimpanzés, avec l’implication des populations locales.

L’être humain partage un ancêtre commun et 99% de gènes avec le chimpanzé, son plus proche cousin. Mais une fois adulte, ce dernier a de 5 à 7 fois la force d’un homme.

 

« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. »

Albert Einstein

Quelle est votre journée-type de travail ?

A.R. : Je n’ai pas de journée-type. En forêt, aucune journée ne ressemble à une autre, mais je me lève toujours avec le soleil. Mon action consiste à recueillir, soigner et, à terme, remettre en liberté des chimpanzés victimes de braconnage et/ou de maltraitance. Je peux donc aussi bien observer les orphelins du site, intervenir en cas de maladie, aider l’équipe au suivi de faune sauvage que planter des arbres au camp, rencontrer les villageois pour travailler sur des projets, tout comme je peux aussi passer ma journée au bureau à chercher des fonds et des partenaires, gérer les réseaux sociaux, rédiger des rapports… Je donne aussi des conférences tout public et j’organise des animations pour les enfants. Et je gère l’équipe et la logistique.

 

(1) Les chimpanzés étaient deux millions au début du XXème siècle et ne seraient plus que 200 000, selon P-WAC. Ils sont présents dans 21 pays.

(2) Project for wildlife and apes conservation ou Projet pour la vie sauvage et la conservation des primates.

(3) Le centre est situé dans la forêt de Kiobo, à une dizaine d’heures de route de Kinshasa.

(4) Dans leur milieu naturel.

Pour lutter contre la déforestation qui sévit en RDC, P-WAC a déjà planté des milliers d’arbres.

Amandine Renaud avec une partie de son équipe.

 

Crédits photos : © p-wac.org

Une interview réalisée par Carine HAHN.